Comment ne pas devenir fasciste

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Henri LAZAR, politologue

Les métamorphoses qui se produisent aujourd’hui en Russie n’ont pas commencé hier et pas tout d’un coup. Elles ont mûri devant le monde entier au cours des 20 dernières années.

Certains ne comprenaient pas tandis que d’autres prétendaient ne pas comprendre vers quoi la Russie se précipitait, continuant à flirter, espérant que tout se passera, encourageant le régime de Poutine, tout en bénéficiant d’avantages économiques.

Seulement, l’attaque armée contre l’Ukraine, vient de nous mettre en évidence que cette image moderne de la Russie a finalement rejeté le masque post-soviétique démocratique.

Seule cette guerre a forcé le monde civilisé à reconnaître que la Russie a des valeurs complétement différentes qui déterminent sa politique tant étrangère qu’intérieure.

Poutine et son environnement a inscrit une nouvelle page dans le dictionnaire encyclopédique, celle du fascisme moderne.

Faire une analyse et donner une interprétation de cette transformation du fascisme qui a eu lieu au cours des 100 dernières années de Mussolini à Poutine, c’est un des défis pour les politologues et les analystes, lequel est nécessaire pour déterminer l’image de l’Etat du futur pour éviter les erreurs tragiques de la jonglerie entre les intérêts nationaux et la négligence de vraies valeurs, lors de la construction d’une société juste et sûre.

Nous n’allons pas maintenant, analyser et prouver que la guerre en Ukraine qui a été planifiée depuis 10 ans avec le premier essai de force en 2008 en Ossétie du Sud et l’annexion de la Crimée en 2014 avec une incompréhensibilité négligente voire la coupable incurie des leaders mondiaux, ont conduit la Russie a un sentiment d’impunité totale et l’incapacité des Organisations internationales à résister à la pression de la puissance armée.

Les forces séparatistes depuis longtemps formées par F.S.B de la Russie dans le Donbass et qui ont commencé avec le soutien de l’armée russe ainsi que des services spéciaux, ont commencé le conflit armé en avril 2014 et qui ont pris ou saisi le pouvoir, ne sont pas non plus l’objet du présent article.

Le plus important, c’est d’essayer de comprendre comment le peuple qui a survécu à la seconde guerre mondiale, le peuple qui a vaincu le nazisme, qui a payé 28 millions de vies pour cette victoire est devenu un pilier du régime fasciste qui a annoncé cyniquement la lutte contre les nazis en Ukraine.

Il convient de noter que, pendant de nombreuses décennies, tant en Union Soviétique qu’en Russie moderne, on n’utilise pas le terme « la deuxième guerre mondiale »

Dans le système éducatif, dans les médias et dans la vie quotidienne, c’est le terme « la grande guerre nationale », qui a durée de 1941 à 1945.

Ni dans la société soviétique, ni dans la société russe, les deux années de guerre de 1939 à 1941 sont comme si elles n’avaient pas existé.

Comment expliquer cela ?

Très simplement, car le fait est que du mois d’août 1939 jusqu’au mois de juin 1941, l’URSS était un allié de l’Allemagne hitlérienne et conformément au pacte Molotov / Ribbentrop en cas de la réorganisation territoriale et politique de la Pologne de l’Est, la Lettonie, l’Estonie, la Finlande et la Bessarabie auraient dû être incluses dans la zone d’intérêt de l’Union Soviétique.

Le 1er septembre 1939, l’Allemagne a attaqué la Pologne et le 17 septembre l’armée rouge est entrée sur le territoire polonais avec le prétexte déjà connu pour « protéger les vies et les biens » de la population ukrainienne et biélorusse de la Pologne.

A ce moment-là, le fascisme allemand était tout à fait acceptable pour le Kremlin en tant qu’allié.

Mais, qu’est-ce que c’est le Fascisme ?

Où est la ligne de partage entre la valeur qui aide à distinguer l’idéologie fasciste de l’idéologie nationale ?

L’idéologie du fascisme s’est développée comme une mosaïque de dilemmes sociaux et de fragments intellectuels de l’Ere de Fin du Siècle.

Le publiciste britannique Thomas Carlyle, le philosophe Frédéric Nietzsche, le sociologue Arthur de Gobineau, le juriste et sociologue Gaétan Mosca, le poète et critique Charles Maurras, le philosophe Georges Sorel, le journaliste Enrico Corradini fondateur du Futurisme, Philippe Tommaso, Marinetti sont quelques marches du long escalier qui a conduit l’ancien professeur d’école Benito Mussolini à la place de leader des fascistes italiens.

Les résultats de la première guerre mondiale ont conduit Mussolini à penser que le socialisme a échoué et que pour la renaissance de la nation italienne, il faut une personne dure et énergique. Mussolini était convaincu de la nécessité d’une ère de collectivisme qui relèguerait les intérêts de l’individu en arrière-plan. Dans sa compréhension, l’état devait tout absorber. Les principaux postulats de sa compréhension du fascisme ont été, un peu plus tard, exposés dans l’essai « la Doctrine du fascisme »

  • L’Etat est totalement inclusif, en effet, en dehors de l’Etat fasciste, il n’y a pas de valeurs humaines et spirituelles.
  • Le fascisme ne va pas avec le socialisme et le mouvement syndical. Tous les conflits sociaux sont résolus dans le cadre d’un système unique national corporatif
  • Le fascisme est absolument opposé au libéralisme, c’est-à-dire à la liberté tant en politique qu’en économie
  • L’Etat fasciste gère l’économie comme dans d’autres domaines de la vie à travers les entreprises, institutions sociales et éducatives de l’Etat.

Même les politiciens européens et américains l’admiraient, il était l’exemple d’un gestionnaire d’Etat efficace. Il menait un mode de vie sain, il était athlète, il volait en avion, nageait, conduisait, faisait du cheval. Il était un exemple de la Nation, un défenseur des valeurs familiales. Il finançait la culture et surtout le cinéma en le considérant comme un des Arts les plus importants et un instrument de propagande. Pour tout cela, au début, on lui a pardonné ses petits défauts comme le fait qu’il ait toujours admis dans ses activités politiques l’utilisation de méthodes de luttes légales et illégales.

Mussolini, Hitler, Franco ou Poutine ?

Vous pouvez donc attribuer ce paragraphe à l’un d’eux et aussi compléter celui -ci avec d’autres héros modernes.

Un Etat fort dont toutes les aspirations personnelles de ses citoyens y sont subordonnées, le contrôle des syndicats, l’interdiction du libéralisme et de la liberté d’expression, l’absence d’un système juridique indépendant, l’économie d’état, le paternalisme total et l’absence de la propriété privée, sont les caractéristiques que l’on peut retrouver à la fois dans l’Italie fasciste, l’Allemagne hitlérienne, l’Espagne franquiste, l’Union Soviétique, l’Iran, la Corée du Nord, le Venezuela ou la Russie de Poutine.

Toutes ces caractéristiques, seulement avec la polarité inversée sont des valeurs absolues et reconnues par le Monde civilisé et cultivé :

  • Les intérêts de l’individu
  • Les syndicats et les tribunaux indépendants
  • Le libéralisme et la liberté d’expression
  • Le rôle limité et responsable dans l’économie
  • La propriété privée protégée

Au lieu d’une horrible grimace de paternalisme, nous avons la responsabilité sociale de l’Etat et des entreprises.

Est-il assez simple de nier ces valeurs pour devenir fasciste ?  Probablement pas.

Certainement pour donner une légitimité au régime, il est nécessaire d’imiter les élections démocratiques et parfois le paysage sous la forme d’une opposition politique,

L’élitisme, la particularité de la nation, son importance pour le reste du Monde et sa voie particulière sont très important pour la compréhension du fascisme.

Est également nécessaire l’élément du corporatisme, lorsque différents groupes sociaux soi-disant fusionnés dans l’unité patriotique dans la prospérité d’Etat, alors qu’il s’agit de la substitution de la notion d’Etat.

En règle générale, les images du dictateur et l’Etat sont unifiées.

Le leader et l’Etat dans l’esprit des masses, deviennent complétement identiques.

Cependant l’Histoire a montré qu’il n’y a pas de dirigeants immortels.

Les Etats fascistes cherchent généralement à atteindre l’autosuffisance économique en utilisant le protectionnisme et l’intervention de l’Etat dans l’économie.

Par exemple, dans la Russie moderne, on aime beaucoup le terme « substitution des importations » si, l’autosuffisance en raison du sous-développement technologique, ne peut pas être assurée, il est possible d’utiliser les ressources sans pareil tel que le gaz naturel pour construire une dépendance globale et le chantage. Rien de personnel, juste les affaires.

Cela n’est pas une recette complète pour le fascisme. Dans ce cocktail fou, nous avons besoin de l’ingrédient principal, le catalyseur de tous les processus : l’ennemi extérieur, dont la présence justifierait toute expansion.

Le fascisme, en principe, rejette l’affirmation selon laquelle la violence est négative et s’oblige à rééduquer les incompréhensibles. Les vérités de base entrent bien mieux si elles sont introduites en force. Car pour les discussions, il est nécessaire d’avoir du temps et de l’éducation qui manque voire qui devient dangereuse si elle est acquise par les masses populaires.

Et on suppose qu’il n’y a rien de terrible parce que tout est juste pour le bien de l’Etat. La violence politique et la guerre ne sont que les instruments efficaces du développement national.

Le fascisme met l’accent sur la reconnaissance de la nature virile de la violence et de la guerre, comme une nécessité. Une sorte de nécessité dure pour protéger les intérêts nationaux.

Un culte particulier du machisme étatique qui conduit rapidement et logiquement à ce que, parmi les voisins, on trouve des « sous-hommes » comme les Juifs pour l’Allemagne nazie, les Arméniens en Turquie et les Ukrainiens pour la Russie de Poutine.

En fin de compte, une fois que la plus grande partie de la société, même si elle est silencieuse, unie autour de son « Duce » dans son rejet de l’autre, il y a une transformation du pays en un état fasciste.

Dans ce sens, l’Union Soviétique, qui était certainement un état totalitaire, n’a pas atteint le fascisme. Mais, l’absence dans la société russe de la culture politique, de l’éducation politique et d’un débat politique ouvert et d’une vision politique, a permis à Poutine et son équipe de reprogrammer facilement la série des valeurs de l’ancien peuple soviétique, en manipulant les éléments de l’Etat socialiste, de créer une société pour une douzaine de milliardaires proches qui s’appelle l’entreprise « Russie ».

Tristement célèbre, le publiciste Charles Morasse a déclaré que « un socialisme libéré d’un élément démocratique et cosmopolite convient au nationalisme aussi bien qu’un gant bien cousu convient à une belle main »

Vladimir Poutine, dans la tête duquel, le modèle de l’Etat Soviétique s’est bien installé, s’est efficacement débarrassé du rudiment de la démocratie des années 90.

Et maintenant, tous ceux appellent à l’ouverture et l’intégration avec le monde civilisé ont été déclarés « les traites nationaux »

Et ce gant bien cousu s’adapte parfaitement à l’affreuse main du chauvinisme national russe.

Nous devons nous rappeler pour toujours, que ni un politicien, ni un Homme d’Etat ne sont autorisé au nom de l’intérêt de l’Etat de supprimer les valeurs constitutionnelles de base, dont il y a la garantie de la liberté, l’égalité de justice sociale, protection de la propriété privée et surtout les intérêts de l’individu.

La vie d’un Homme doit être la priorité parce que la communauté des gens ordinaires est l’Etat lui-même.

Sinon, chaque pays risque de devenir condamné en obtenant son Poutine.

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